Du neuf ET de l’ancien.
Ou quand le « ET » est le plus important…Autrement dit : Notre projet pastoral.
Chers amis,
devenir curé d’une communauté de paroisses demande d’abord de s’insérer dans une histoire, de découvrir les personnes, les manières de faire Eglise, les formes et les lieux d’annonce de la Bonne Nouvelle. Pour le « Pays de Brumath », de fait, il s’agissait il y a trois ans plus précisément d’apprivoiser deux histoires, celle de deux communautés de paroisses appelées à travailler ensemble.
Et puis, nous avons eu des crises à prendre à bras le corps : crise des abus dans l’Eglise, abus sexuels mais aussi toutes sortes d’autres abus, commis par des prêtres mais aussi par des baptisés non prêtres, et crise de la Covid19, avec des confinements plus ou moins durs. A cela vont d’ajouter les conséquences, la crise sociale, la crise sécuritaire, …
Ces temps différents qui se déploient encore aujourd’hui autrement ont été mis à profit avec l’Equipe d’Animation Pastorale (EAP) et des membres du conseil pastoral pour avancer dans l’élaboration d’un projet pastoral. Grand merci à eux d’avoir rajouté ce travail à tout ce qu’il a fallu en même temps adapter, réinventer.
Pourquoi nous « projeter » ? Pourquoi envisager l’avenir ? Parlons ici du sens. Il nous a été inspiré tant par nos réflexions propres en EAP, que par des échanges de notre Evêque que par des prises de parole de notre Pape. Et bien sûr, l’Esprit saint toujours demandé dans notre prière.
Un projet pastoral : pourquoi ?
Vous le savez, l’Eglise en Alsace a beaucoup changé depuis l’an 2000 jusqu’à nos jours. Les chiffres sont sans concession. De 2000 à 2019 (pour ne pas tenir compte de 2020 « année Covid ») : baptêmes : – 50,23% / premières communions : – 56,21% / confirmations : – 61,9% / mariages : – 63,1%. Seul le nombre de funérailles se maintient durant la même période. Et le nombre de prêtres incardinés a été divisé par trois (1199 en 1968 à 392 en 2017 et les religieuses sont passées de 4649 à 897 pour la même période).
Oui, l’Eglise a changé en 20 ans, beaucoup plus qu’entre 1900 et 2000. Mais le bouleversement n’est pas qu’une question de nombre. Depuis tant d’années, nos prédécesseurs -grand merci à eux- se sont donnés, ont bien fait, et ils ont fait bien des choses. Ils ont proposé, réinventé et malgré tout, il y a eu une diminution, le plus souvent lente, mais nette, des gens intéressés par leurs propositions. Depuis longtemps, nous ne sommes plus en chrétienté. C’est un constat, sans nostalgie. La cause de la baisse continue n’est donc pas de n’avoir rien fait. Ce qui était bon et qui rejoignait les personnes pendant longtemps ne produit plus les mêmes fruits. La réalité que nous constatons est que faire « comme avant » ne convient plus. Combien d’entre nous voient leur efforts répétés restés sans résultats visibles. Nombreux sont les parents, les grands-parents, pourtant motivés, qui se plaignent de voir leurs propres jeunes absents de l’Eglise. Alors, que faire ?
En saint Matthieu, nous lisons : Jésus ajouta : « C’est pourquoi tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. » (Mt 13,52) Nous avons toujours à conjuguer du neuf et de l’ancien, à tirer de notre trésor du neuf et de l’ancien. C’est notre vocation de disciple. Tirer une profonde nouveauté sans rupture, mais en continuité de l’ancien. A appliquer très concrètement en notre communauté de paroisses, en nos communes, dans nos vies.
Pensons liturgie, chorales : des messes des jeunes, des enfants, des familles, un nouveau groupe de musiciens, une chorale des jeunes, sans supprimer tout ce qui se célèbre déjà… Pensons annonce de la Bonne Nouvelle : qui ? pour qui ? Sans arrêter la catéchèse et les groupes qui se retrouvent déjà… Pensons solidarité : une nouvelle antenne caritas pour répondre aux besoins nouveaux sans négliger tout ce qui existe déjà…
Comme l’ancien et le nouveau Testament qui sont en dialogue. La clé est la qualité de la Tradition conservée et toujours renouvelée. La Tradition en Eglise n’est pas quelque chose de figé. La diversité est un des principes de l’Eglise, dans la recherche de l’unité.
C’est le sens d’un projet pastoral : Etre missionnaire en tirant de notre trésor du neuf et de l’ancien. Et bien sûr, en tenant compte de la réalité. Elle s’impose. Nous ne sommes pas de purs esprits, hors sol. Nous n’avons pas aujourd’hui plus de moyens que hier, tant humains que financiers. Et la réponse libre de chacun n’est plus la même qu’avant dans une société où l’Eglise était le centre. Donc, avec une vraie ambition et un brin d’audace, nous allons avancer progressivement, modestement et surtout, nous serons concrets.
Nous convertir, toujours
Nous sommes appelés à la conversion, sans cesse. Nous convertir, c’est surtout changer de regard pour changer d’attitude. Laconversion a un grand avantage : elle permet de rêver. Je le dis autrement : On ne pourra jamais nous reprocher de ne pas avoir réussi, mais on pourrait nous reprocher de ne pas avoir cherché et essayé. Nous avons le droit, le devoir même, de rêver l’Eglise à l’intérieur et surtout vers l’extérieur. Donc, nous n’allons pas simplement améliorer, « remettre un coup de peinture » et espérer quelques curieux intéressés. Nous allons revoir en profondeur tout ce que nous vivons. Et notre rêve sera lucide : il faudra confronter notre projet au contexte, aux moyens qui sont les nôtres aujourd’hui.
Pour porter nos priorités, nous oserons renoncer, si besoin
Puisque nous n’avons plus les moyens de tout faire, nous choisissons quelques priorités et nous aurons l’audace de laisser des choses en attente. Le plus difficile sera sans doute de renoncer parfois à certaines choses pour mieux porter ensemble l’essentiel. Soyons clairs : notre projet pastoral ne va pas régler les 50 ans à venir. Nous travaillons pour mettre en mouvement les 2, 3 ans à venir. L’objectif est de bien pouvoir vivre, célébrer, annoncer la Bonne Nouvelle : Dieu nous aime et veut nous faire vivre toujours.
Nous refuserons le « On a toujours fait comme ça » ou son opposé « On n’a jamais fait comme ça ».
Nous savons que notre conversion continue nous fait passer de morts en résurrections, sans cesse. Nous savons que le Christ d’après la résurrection était le même que celui d’avant et pourtant tellement différent. Saint Benoît avait déjà pointé en son temps qu’il est de notre responsabilité de discerner le neuf et l’ancien. Dans sa règle au chapitre 64, De l’institution de l’Abbé : Une fois institué, l’abbé considérera sans cesse quelle charge qu’il a reçue et à qui il rendra compte de sa gestion. Il saura qu’il lui faut plutôt servir qu’être servi. Il faut donc qu’il soit instruit de la loi divine, pour savoir où puiser « le neuf et l’ancien ».
Un processus
Nous n’allons pas juxtaposer nos forces et tout dédoubler. Nous voulons mieux vivre en synergie. Nous expérimentons que nous ne pouvons pas être en tous lieux et dans tous les groupes. Le Pape nous redit sans cesse que le temps est supérieur à l’espace. Le Pape François met en garde contre la tentation d’accorder trop d’importance à l’espace. « Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation. C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. » (la joie de l’Evangile, Pape François, 223).
Dire que le temps est supérieur à l’espace est une invitation à « initier des processus plutôt que de posséder des espaces. » Il nous invite à une série de déplacements. Il s’agit de déplacer la priorité donnée au court terme et au résultat immédiat vers le long terme et le résultat durable. Il s’agit de déplacer la recherche d’une prévision parfaite du futur vers l’accueil de l’inattendu. Il s’agit de déplacer l’envie de posséder, de maîtriser et de contrôler vers la mise en mouvement et l’ouverture de processus qui seront poursuivis par d’autres personnes ou groupes.
Privilégier le temps sur l’espace suppose une certaine fragilité, celle de perdre le contrôle total, de se désapproprier du résultat de l’action réalisée, celle d’accepter un résultat différent de celui qui était attendu. C’est précisément cette fragilité qui fait place à l’émergence du nouveau. Tant qu’on reste dans la logique de la maîtrise et du contrôle absolu, on reste dans la répétition du déjà connu. La création n’a pas de place dans la plénitude et la perfection, elle prend forme quand on laisse un certain vide. A l’inverse de l’espace, le temps ne peut pas être possédé. Fabriquer est une manière de posséder l’espace, tandis que créer est une manière d’initier un processus. L’espace a partie liée avec le pouvoir, le temps est de l’ordre du service.
Nous voulons résolument entrer mieux dans un processus qui nous dépasse. Nous voulons mieux nous laisser travailler par l’Esprit saint en discernant là où il nous emmène et non pas là où nous voulons qu’il nous guide.
Après les confinements, il est temps désormais de remettre en marche nos « muscles » spirituels.
Ensemble
Nous allons cesser de penser en tuyaux d’orgue, chacun travaillant bien, mais uniquement dans son domaine. La charité, la solidarité est l’affaire de tous. Les vocations, l’appel sont l’affaire de tous. La liturgie est l’affaire de tous. L’annonce de la Bonne Nouvelle est l’affaire de tous… Nous n’aurons pas uniquement des spécialistes, même s’il est heureux que certains aient des compétences et se forment dans un domaine précis.
Avec sérénité et joie, nous allons ensemble vivre mieux notre mission de baptisés, tous disciples et missionnaires.
Une chronologie, une méthode, quelques pistes
Vous trouverez dans ce document indiqués la chronologie et la méthode, ainsi que les premières pistes qui seront mises en œuvre dès septembre 2021. Progressivement, nous découvrirons mieux ce qui porte fruit et qui doit être encouragé. Et nous ferons des bilans réguliers, annuels, pour réajuster ce qui en aura besoin.
Chacun est appelé
A chacun de choisir quelle action il voudra soutenir en offrant du temps, de la prière, des compétences, de l’argent. Ensemble, nous continuons à faire Eglise parce que nous saurons toujours mieux vivre et annoncer la Bonne Nouvelle, l’amour de Dieu pour tous.
Avec joie, fraternellement,
Philippe Burgy, curé